Il y a 100 ans, le vendredi 31 juillet 1914 à 21h40, au 146 rue Montmartre à Paris à la terrasse du café du Croissant, Jean Jaurès était assassiné par Raoul Villain, un étudiant nationaliste d’extrême droite.

Cette mort continue de frapper toutes les consciences.

Que reste t il de la pensée et de l’action de Jaurès aujourd’hui? Que nous a t il transmis comme héritage?

L’œuvre est immense. Républicain, socialiste, pacifiste mais surtout l’humaniste d’un siècle qui finira en 1914 et qui aura été marqué par la révolution industrielle et l’émergence de la classe ouvrière. Il va, au Parlement en tant que député du Tarn puis dans son journal « l’humanité », construire la pensée et l’action politique de l’époque autour de la question sociale, de l’éducation et contre la colonisation. Il mènera à l’Assemblée Nationale le combat législatif pour traduire cette aspiration profonde du monde du travail à la justice et à l’égalité des droits.

Mais en ce jour anniversaire, je voudrais rappeler la lucidité et le courage de Jaurès face à la montée des périls. Il a compris avant tout le monde l’irrésistible escalade de la violence. Il va pendant de longs mois essayer en parcourant l’Europe d’animer un mouvement pacifiste européen pour écarter la guerre.

Dans son dernier discours, le 25 juillet 1914 à Lyon, il déclare :  » que jamais nous n’avons été dans une situation plus menaçante et plus tragique. Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. »

Il espère encore « malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait, pour les hommes, une guerre européenne. »

Il dit ces mots avec une sorte de désespoir, « il n’y a plus qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes et de femmes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. »

Ce seront ses derniers mots. Six jours plus tard, il est assassiné. Le 2 août 1914, la guerre est déclarée et dans quelques mois, son assassin sera acquitté.

Aujourd’hui au lendemain d’une élection européenne qui a porté au Parlement Européen une forte délégation de députés de l’extrême droite et alors que le canon tonne en Ukraine, que l’Europe traverse une crise économique et sociale sans précédent, n’oublions pas ces paroles et la volonté de cet homme.

La pensée de Jaurès se perpétue et ses mots résonnent en nous  » ce qui importe avant tout, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel; c’est de chercher la vérité et de la dire; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »

À Hyères, le 14 juillet 2014

William Seemuller